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Chronique de la justice ordinaire
Vols, violences conjugales, exhibitionnisme. Au tribunal correctionnel de Besançon, c’est la violence ordinaire qui défile. Les dossiers s’enchaînent. Au total, une vingtaine de personnes sont jugées en une après-midi.
Dans son bureau, au troisième étage du palais de justice, Yves Plantier, vice-président du tribunal correctionnel, sort sa robe de magistrat du petit placard. “Juste avant l’audience, il y a toujours un peu de stress, de tension. Et puis ça passe.” Cette après-midi, il préside seul l’audience. Une vingtaine de dossiers sont à l’ordre du jour. “Des affaires simples souvent. Dans les cas plus complexes, il n’y a plus qu’un dossier par audience.”
Vols dans des supermarchés, violences conjugales, outrages à agent de police, exhibitionnisme, c’est la petite délinquance, la violence ordinaire qui défile. En trois heures trente, une petite quinzaine de personnes sont jugées. Moyenne, quinze minutes par prévenu. La justice va vite.
Sadir s’avance à la barre. Il a à peine 18 ans, prépare son C.A.P. d’horlogerie et n’a pas d’avocat avec lui. On lui reproche d’avoir recelé un téléphone portable volé. “J’ai demandé si le téléphone était volé. Le type a souri alors j’ai compris”, explique-t-il. Le procureur de la République réclame un mois de prison. “J’ai fait une faute une fois, ça m’a suffi. Déjà venir ici, c’est pas drôle. Alors je vous jure que plus jamais j’aurai affaire à la justice”, implore Sadir.
“Seriez-vous d’accord pour faire des travaux d’intérêts généraux”, lui demande le président. “Je sais rien du tout moi sur tout cela. Et puis, si c’est non, ça va être quoi à la place ? Parce qu’à mon âge, j’ai pas envie d’aller en prison.”
Le président se plonge quelques instants sur ses notes, griffonne quelques mots, et rend sa décision dans la foulée. Un mois de prison avec sursis, et 40 heures de travaux d’intérêts généraux. Le magistrat se fait pédagogue, détaille la peine. “Une fois que vous aurez fait vos 40 heures, le sursis disparaît, personne n’en saura plus rien.” Et Sadir repart la mine réjouie.
Entre chaque prévenu, l’huissier annonce l’affaire suivante, vérifie les convocations. Dans la salle, les bancs du public où se serrent prévenus, leurs familles et parties civiles, se vident peu à peu. Et le ballet des avocats, ceux qui vont plaider et qui ont fini, reprend.
C’est au tour d’un autre garçon, à peine plus vieux que Sadir. Il a été pris la main dans le sac, en train de dérober des baladeurs MP3 dans un grand supermarché et a menacé avec un cutter le vigile qui voulait l’arrêter. “Je l’ai pas blessé monsieur. Ma tête a cogité depuis. Je ne sais pas comment j’ai fait cela. Je voulais pas de mal”, se défend le jeune homme. Il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour des vols, le procureur réclame trois mois fermes. Son avocate plaide l’indulgence. Ce n’est pas un grand délinquant “puisqu’à chaque fois il se fait prendre sur le champ.”
Dans le public, sa fiancée essuie quelques larmes. Le président tranche. Ce sera quatre mois de prison. Il y a ensuite Roger, un graphiste trentenaire, là pour s’être masturbé devant deux adolescentes devant la gare. Il suit une thérapie, n’arrive pas à expliquer son geste. Un mois avec sursis.
De tout l’après-midi, M. Jacques est le seul à comparaître détenu. “Nous nous connaissons”, s’amuse le président. L’agriculteur, la quarantaine, s’est fait une spécialité du vol dans les fruitières à comté de la région.
Il a déjà été condamné il y a un mois pour des faits similaires. Là, il est question de sac de lait en poudre. “Les veaux avaient faim, je suis allé en chercher pour les engraisser.” Il écope de deux mois de prison ferme supplémentaires. Et repart, encadré par trois policiers.
“Quelques fois, on peut déplorer de siéger en juge unique, explique Yves Plantier. On peut y perdre, parce qu’il n’y a pas de discussion collégiale. C’est difficile de juger. Mais dès qu’on a un doute, on met en délibéré, pendant quelques jours. Le temps permet souvent de remettre les choses en perspective. Et puis il y a l’appel. C’est une garantie, qui évite sûrement des erreurs.”
Compte-rendu S.D.
Article issu du dossier consacré à la justice dans la Presse Bisontine
Dans son bureau, au troisième étage du palais de justice, Yves Plantier, vice-président du tribunal correctionnel, sort sa robe de magistrat du petit placard. “Juste avant l’audience, il y a toujours un peu de stress, de tension. Et puis ça passe.” Cette après-midi, il préside seul l’audience. Une vingtaine de dossiers sont à l’ordre du jour. “Des affaires simples souvent. Dans les cas plus complexes, il n’y a plus qu’un dossier par audience.”
Vols dans des supermarchés, violences conjugales, outrages à agent de police, exhibitionnisme, c’est la petite délinquance, la violence ordinaire qui défile. En trois heures trente, une petite quinzaine de personnes sont jugées. Moyenne, quinze minutes par prévenu. La justice va vite.
Sadir s’avance à la barre. Il a à peine 18 ans, prépare son C.A.P. d’horlogerie et n’a pas d’avocat avec lui. On lui reproche d’avoir recelé un téléphone portable volé. “J’ai demandé si le téléphone était volé. Le type a souri alors j’ai compris”, explique-t-il. Le procureur de la République réclame un mois de prison. “J’ai fait une faute une fois, ça m’a suffi. Déjà venir ici, c’est pas drôle. Alors je vous jure que plus jamais j’aurai affaire à la justice”, implore Sadir.
“Seriez-vous d’accord pour faire des travaux d’intérêts généraux”, lui demande le président. “Je sais rien du tout moi sur tout cela. Et puis, si c’est non, ça va être quoi à la place ? Parce qu’à mon âge, j’ai pas envie d’aller en prison.”
Le président se plonge quelques instants sur ses notes, griffonne quelques mots, et rend sa décision dans la foulée. Un mois de prison avec sursis, et 40 heures de travaux d’intérêts généraux. Le magistrat se fait pédagogue, détaille la peine. “Une fois que vous aurez fait vos 40 heures, le sursis disparaît, personne n’en saura plus rien.” Et Sadir repart la mine réjouie.
Entre chaque prévenu, l’huissier annonce l’affaire suivante, vérifie les convocations. Dans la salle, les bancs du public où se serrent prévenus, leurs familles et parties civiles, se vident peu à peu. Et le ballet des avocats, ceux qui vont plaider et qui ont fini, reprend.
C’est au tour d’un autre garçon, à peine plus vieux que Sadir. Il a été pris la main dans le sac, en train de dérober des baladeurs MP3 dans un grand supermarché et a menacé avec un cutter le vigile qui voulait l’arrêter. “Je l’ai pas blessé monsieur. Ma tête a cogité depuis. Je ne sais pas comment j’ai fait cela. Je voulais pas de mal”, se défend le jeune homme. Il a déjà été condamné à plusieurs reprises pour des vols, le procureur réclame trois mois fermes. Son avocate plaide l’indulgence. Ce n’est pas un grand délinquant “puisqu’à chaque fois il se fait prendre sur le champ.”
Dans le public, sa fiancée essuie quelques larmes. Le président tranche. Ce sera quatre mois de prison. Il y a ensuite Roger, un graphiste trentenaire, là pour s’être masturbé devant deux adolescentes devant la gare. Il suit une thérapie, n’arrive pas à expliquer son geste. Un mois avec sursis.
De tout l’après-midi, M. Jacques est le seul à comparaître détenu. “Nous nous connaissons”, s’amuse le président. L’agriculteur, la quarantaine, s’est fait une spécialité du vol dans les fruitières à comté de la région.
Il a déjà été condamné il y a un mois pour des faits similaires. Là, il est question de sac de lait en poudre. “Les veaux avaient faim, je suis allé en chercher pour les engraisser.” Il écope de deux mois de prison ferme supplémentaires. Et repart, encadré par trois policiers.
“Quelques fois, on peut déplorer de siéger en juge unique, explique Yves Plantier. On peut y perdre, parce qu’il n’y a pas de discussion collégiale. C’est difficile de juger. Mais dès qu’on a un doute, on met en délibéré, pendant quelques jours. Le temps permet souvent de remettre les choses en perspective. Et puis il y a l’appel. C’est une garantie, qui évite sûrement des erreurs.”
Compte-rendu S.D.
Article issu du dossier consacré à la justice dans la Presse Bisontine
Publié le jeudi 4 août 2005 à 09h43